Comment est mort Alexandre Pétion (29 mars 1818)
[...] la fièvre l'atteignit et il prit le lit le 22 mars, dimanche de Pâques. La population se montra vivement inquiète. L'influence de l'épidémie qui existait alors au Port-au-Prince, avait peut-être contribué à aggraver son état. Depuis plus d'un anelle sévissait si cruellement, que le Grand Juge Sabourin avait invité le curé de la paroisse de ne plus sonner les cloches aux enterrements pour ne pas effrayer les familles, et que leconseil des notables s'était vu dans l'obligation d'établir un nouveau cimetière au sud et endehors de la ville, l'ancien ne pouvant plus suffire aux inhumations. Lagrande malpropreté des rues remplies d'immondices et d'eaux stagnantes avait beaucoup contribué à cette épidémie. L'état du Président occasionna une affliction aussi réelle sous chaque toit que si l'existence du chef de la famille était menacée. Il y avait jour et nuit au palais, une affluence considérable de citoyens et de femmes de tous les rangs, de toutes les conditions. Chacunvenait avec inquiétude s'informer de l'état du Président qui sans cesse exhortait ses proches, ses amis, àne mettre que lebien en pratique à l'égard de leurs semblables. Il apprit qu'un soldat du 14º régiment venait d'être condamné à mort pour avoir frappé son colonel, il le gracia et le fit mettre en liberté. Ce fut le dernier acte de sa vie. La Constitution ne lui accordait pas le droit de grâce, mais selon les idées et les mœurs du pays, il était tout-puissant puisqu'il était le chef de l'Etat(1). Dès le 26 mars, il refusa de prendre aucune espèce de nourriture, même de la main de sa fille âgée de 12 ans, qu'il chérissait.
Il mourut le 29 mars à 4 heures du matin, plaignant ses concitoyens dont l'avenir, qui lui paraissait triste, l'avait tourmentéjusqu'au dernier moment.
Source : Thomas Madiou, Histoire d'Haïti (1811-1818), Tome 5.
[...] Pétion prit un profond dégoût de la vie. Or il arriva qu'au milieu de ses préoccupations d'esprit et à la suite de quelques contrariétés survenues dans son intérieur et dont il fut profondément impressionné, il fut atteint d'une fièvre légère qui n'offrait aucun caractère inquiétant; il prit le lit, refusant les soins qu'on cherchait à lui prodiguer, n'acceptant ni remèdes ni nourriture, pas même de l'eau pure. Père tendre, il adorait sa fille Célie, il allait au-devant de tous ses désirs, et n'avait jamais su, un seul instant, résister même à ses caprices. Sa famille désolée employa cette influence auprès de lui ; pour la première fois, il résista aux marques d'affection de Célie ; il refusa de recevoir à boire de sa main, et se laissa ainsi éteindre sans plainte, sans récrimination, sans proférer une seule parole.
Source : Edmond Bonnet, Souvenirs historiques de Guy-Joseph Bonnet, Auguste Durand, Libraire, Paris, France, 1864